Conseil Municipal du District de Chamberí
Creator: Madrid Ayuntamiento
Photographer: Adrian Shubert Personal Collection, Toronto, Canada
Date Created: 2020-10-15
Type: Historical Markers
Extent: 1 item
Geographic Region: Plaza de Chamberí, Madrid
40.4328, -3.69736
Voici la façade de l’édifice qui accueille le conseil municipal de district du quartier de Chamberí à Madrid. Si l’on prête attention, l’on voit la forme rectangulaire de quelque chose qui n’est plus là, les restes invisibles d’un objet de mémoire récemment effacé. Avec le temps, les bords s’effaceront devenant toujours moins distincts, et cette trace de la mémoire se dissoudra jusqu’à disparaître un jour.
Dans la seconde moitié du XIXème siècle Chamberí fut un quartier de travailleurs, et l’édifice qui était en ce lieu vit naître une des figures les plus importantes du mouvement ouvrier : Francisco Largo Caballero, leader syndicaliste, politicien socialiste et premier ministre de la République pendant les premiers mois de la Guerre Civile (septembre 1936 à mai 1937). En 1981 la mairie de Madrid vota de manière unanime la pose d’une plaque commémorative sur la façade de l’édifice.
En 2020, cependant, ce type de consensus entre la gauche et la droite était quelque chose du passé car la Guerre Civile et ses héritages s’étaient beaucoup politisés. Le 15 octobre de cette année-là, pour le 151ème anniversaire de la naissance de Largo Caballero, la mairie de droite de Madrid enleva la plaque sans aviser. C’était la dernière d’une série d’attaques contre les lieux de mémoire de la municipalité qui commencèrent peu après leur arrivée au pouvoir en 2019 avec l’élimination des plaques du cimetière de la Almudena qui contenait les noms des personnes exécutées par Franco dans la ville entre 1939 et 1944.
L’initiative surgit du parti d’extrême droite VOX, qui argumenta avec cynisme que, selon ses représentants, vu que Largo Caballero avait une « sanguinaire trajectoire personnelle et politique », le commémorer supposait une violation de la loi de Mémoire Historique de 2007. Il mentionna aussi une résolution du Parlement Européen qui condamnait les « régimes totalitaires et leurs représentants ». VOX, ainsi que les autres partis conservateurs modérés Ciudadanos et Parti Popular, s’étaient opposés à cette loi argumentant qu’elle réouvrait des blessures de la Guerre Civile guéries voilà bien longtemps et qu’elle était motivée par un esprit de vengeance. La mairie ordonna également que se retirent des rues de la ville les noms de Largo Caballero et de Indelacio Prieto, que VOX qualifia de « criminels et antidémocrates ». Les ouvriers municipaux enlevèrent la plaque à coups de marteau.
Le syndicat socialiste UGT et le groupe socialiste de Madrid portèrent le cas devant les tribunaux exigeant que la plaque détruite soit remplacée par une neuve. En deux occasions, en juillet et en octobre 2022, les juges décidèrent en faveur des demandeurs. Les résolutions judiciaires établirent que les arguments de VOX « étaient dépourvus de rigueur » et étaient remplis de « réitérés jugements de valeur qui s’entremêlaient » ; que la mairie avait agi de forme illégale ; et qu’elle devait restaurer la plaque et la replacer. Dans un troisième jugement en décembre 2022 les juges établirent clairement que Largo Caballero et Prieto ne « se soulevèrent pas contre la République, n’appuyèrent ni n’exaltèrent le coup d’État perpétré par des militaires rebelles en juillet 1936, ni la Guerre Civile que provoqua le coup d’État, ni la dictature franquiste, dont ils furent victimes, étant poursuivis et mourant en exil ». La mairie n’a pas encore réagi.