Loyalistes
Source:
Terra e Memoria, fondo Nomes e Voces-Histagra (Suárez Ferrín), nº 5007 0052 0001
Date Created: 1936-04
Type: Photograph
Extent: 1 item
43.37097, -8.39594
Peu d'images représentent mieux le coup d'État de 1936, ses conditions et son exécution. Un coup d’État militaire est une action armée qui nécessite une conspiration préalable, comme ce fut le cas ici, mais sa réalisation peut prendre des formes très différentes. Dans l’absolu, tous les coups d’État ont en commun la prise violente d’un pouvoir constitué pour en imposer un autre. Concrètement, les formes qu’ils prennent diffèrent sensiblement, tout comme la capacité de réaction. Entre 1923 et 1981, l’Espagne a connu trois coups d'État radicalement différents dans leur exécution et dans les réponses qu'ils ont reçues. Il n'est même pas nécessaire de décrire ces différences, mais il faut les mettre en relation avec le contexte historique interne et surtout externe dans lequel ils se sont déroulés.
La photographie exprime parfaitement en quoi a consisté le coup d'État de 1936, par qui il a été exécuté et contre qui il a été perpétré, mais surtout elle en explique le temps et la manière. Le contexte est celui du fascisme en Europe, treize ans après la marche sur Rome, trois ans après l'ascension d'Hitler, deux ans après le putsch de Vienne, cinq mois après l'attentat contre Léon Blum. La façon dont nous parle cette photographie faite à La Corogne en avril 1936, déroute souvent celui qui l’observe sans information préalable et qui, porté par un récit aussi puissant et commun que faux, a tendance à penser qu'il observe les putschistes quelques mois plus tard, quand en juillet 1936 La Corogne, capitale de 8e Division Organique, devient l'un des bastions du coup d'État contre la République, organisateur des colonnes qui partent pour Ribadeo et Oviedo, la frontière portugaise et le col Alto de los Leones en direction de Madrid. Ce récit puissant n'est pas celui de ceux qui apparaissent sur la photo, mais celui de leurs assassins.
De gauche à droite : Alfredo Suárez Ferrín, maire de la ville, de la Gauche Républicaine, assassiné le 31 août, accusé de rébellion militaire, sa famille a conservé la photo qu’elle a donnée au Projet Nomes e Voces. À ses côtés le général commandant la VIIIe division organique, Enrique Salcedo Molinuevo, jugé pour trahison avec son adjoint, le général de la XVe brigade d'infanterie, Rogelio Caridad Pita (avec barbe), tous deux assassinés au château de San Felipe le 9 novembre, au lendemain de l'assaut final des militaires rebelles sur Madrid, trois jours après le transfert du gouvernement de la République à Valence. Entre les deux généraux, Juana Capdevielle, directrice de la Bibliothèque de Philosophie et Lettres à l'Université Centrale, a quitté le gouvernement civil de La Corogne, où elle résidait avec son mari le gouverneur avant la canonnade et l'assaut des rebelles, localisée chez des amis elle a été assassinée le 18 août, son corps est apparu sur la route de Madrid, à hauteur de Rábade (Lugo) avec des tirs à la tête et à la poitrine, elle avait 31 ans. Dans le coin droit, Francisco Pérez Carballo, 26 ans, gouverneur civil, avocat et professeur d'université, a été fusillé le 24 juillet avec le commandant et le capitaine des forces avec qui il a résisté le 20 juillet au siège du Gouvernement civil.
La photo correspond à la tribune des autorités présidant le défilé militaire du cinquième anniversaire de la proclamation de la République, le 14 avril 1936, dans les Cantons de La Corogne. En arrière-plan, on aperçoit certains des putschistes.
LFP