Le cauchemar espagnol
Repository: BNF Gallica
Creator: Daudet, Léon (1867-1942)
Source:
L'Action française
Date Created: 1937-08-02
Type: Newspapers
Extent: 1 item
48.85889, 2.32004
Quotidien fondé en 1908, L’Action française comptait parmi les plus influents, sinon les plus opiniâtres, des journaux nationalistes de droite en France. D’obédience monarchiste, il promouvait la doctrine du nationalisme intégral et dénonçait la prétendue influence des protestants, des francs-maçons et surtout des Juifs sur le régime républicain français. L’une de ses principales figures, le célèbre écrivain Charles Maurras, fut emprisonné un temps, après avoir proféré de violentes menaces antisémites contre le leader socialiste Léon Blum.
Il n’y avait donc rien de surprenant à ce que L’Action française sympathisât avec la cause monarchiste en Espagne, fût résolument opposée à la République espagnole et suivît de près la guerre civile. Bénéficiant de contacts au sein de l’ambassade espagnole et dans l’administration française, le journal fut prompt à s’insurger du soutien qu’apportait le gouvernement de Front populaire aux républicains et mobilisèrent l’opposition de droite contre toute velléité interventionniste. Les chroniqueurs de ce journal soutenaient qu’une intervention française pourrait déclencher une guerre paneuropéenne, que soutenir la République espagnole déstabiliserait profondément la France et que le Front populaire nourrissait des ambitions révolutionnaires.
L’article présenté ici, écrit par Léon Daudet – l’un des auteurs les plus importants de L’Action française –, illustre bien l’hostilité du quotidien envers les républicains espagnols. Le thème principal en est Cruelle Espagne, un livre à tendance nettement droitiste publié peu auparavant par les frères Jérôme et Jean Tharaud, dont le sujet est le périple de Jérôme dans l’Espagne en guerre. Daudet en cite un long extrait décrivant les souffrances qu’infligent les républicains à certaines parties de la population et les difficultés auxquelles font face les agents consulaires français quand il s’agit de trouver le moyen de fuir le pays. L’auteur note aussi la déception de l’écrivain et universitaire Miguel de Unamuno qui, après avoir éprouvé de la sympathie pour les républicains, dénonce maintenant ce qu’il décrit comme de la « sauvagerie ».
Daudet prend soin de bien situer le livre des frères Tharaud par rapport à ses propres vues contrerévolutionnaires. En décrivant les exécutions à bord de navires républicains au large de la France, il associe ces atrocités à un projet révolutionnaire de plus grande ampleur, qui implique non seulement l’Espagne, mais aussi l’Union soviétique. En suggérant que la menace communiste pourrait contaminer la zone méditerranéenne, Daudet insiste sur le risque de péril pour la civilisation occidentale. Évoquant au passage le passé révolutionnaire français, il conclut que les démocraties sont destinées à engendrer le désordre et la destruction.
L'Action française soutint les Nationalistes pendant tout le conflit, au point qu’en 1938, Charles Maurras visita la zone contrôlée par les nationalistes, où Franco vint le remercier en personne. De fait, les rebelles n’étaient pas juste reconnaissants de l’aide militaire fournie par l’Italie et l’Allemagne et de la participation de volontaires français, mais aussi des efforts substantiels de L’Action française pour contrecarrer la politique du gouvernement de Front populaire français.
SK