Paul Robeson et “Ol’ Man River”
Creator: Kern, Jerome (1885-1945)
Creator: Hammerstein II, Oscar (1895-1960)
Contributor: Paul Robeson
Source:
South Wales Miners’ Library, People’s Collection Wales, https://www.peoplescollection.wales/items/24394
Photographs of Prominent African Americans. James Weldon Johnson Collection in the Yale Collection of American Literature, Beinecke Rare Book and Manuscript Library.
Extent: 1 item
Le 24 juin 1937, Paul Robeson, chanteur et acteur afro-américain de renommée mondiale, a pris la parole lors d’un Concert de bienfaisance en faveur des enfants réfugiés basques au Royal Albert Hall de Londres. Comme il se trouvait à Moscou au moment de l'organisation de l'événement, il n'avait pas prévu d'y assister à l'origine, et son nom n'apparaît pas à côté de ceux de Pablo Picasso et Heinrich Mann sur l'affiche annonçant l'événement. Il avait prévu d’enregistrer son discours et de le diffuser à la radio, mais quand il a appris que l'Allemagne nazie et la direction du Royal Albert Hall, peu enclines à recevoir des émissions de l'Union soviétique, le bloqueraient, il changea d'avis et s'envola pour Londres.
Le message de son discours ce soir-là était que « l'artiste doit prendre parti » dans la bataille globale contre le fascisme. L’objectif du fascisme est de détruire la culture et « chaque artiste, chaque scientifique, chaque écrivain doit décider maintenant où il se situe... Il n'y a pas de position au-dessus du conflit sur des hauteurs olympiques. Il n’y a pas d’observateurs impartiaux... Il n’y a pas d’arrière-plan abrité ». L'artiste n'a que deux options : « se battre pour la liberté ou pour l'esclavage ». Robeson lui-même « n’avait pas d’alternative. L’histoire de cette époque est caractérisée par la dégradation de mon peuple. » Reliant la cause de la culture à celle de la justice raciale, il exhorte son public à « rallier chaque artiste, chaque scientifique, chaque écrivain d'Angleterre qui aime la démocratie... à rallier chaque homme noir aux côtés de l'Espagne républicaine ».
Les services secrets britanniques suivaient déjà Robeson, et leur agent présent à la soirée a rapporté qu'après son discours, il avait «chanté deux ‘Negro songs of protest’ et ‘Ole Man River’». Robeson fait vibrer la salle et incite les gens à mettre la main à la poche. Le public a fait don de 8 000 dollars - plus de 175 000 dollars aujourd'hui - en vingt minutes.
En décembre 1937, Robeson participe à un autre événement à Londres où il interprète de nouveau Ol’ Man River. La chanson a été écrite en 1925 par Jerome Kern et Oscar Hammerstein II pour leur comédie musicale Showboat. Robeson l'avait déjà chantée lorsqu'il s'était produit dans le spectacle de Londres en 1928 et à New York en 1932, ainsi que dans le film de 1936. Ce soir-là, cependant, Robeson a chanté une nouvelle version, ses propres paroles remplaçant certaines des paroles originales de Hammerstein. En particulier, « Ah, je suis fatigué / Fatigué d'essayer ; / Je suis fatigué de vivre / Une douleur de mort » a cédé la place à “Mais je continue à rire / Au lieu de pleurer / Je dois continuer à me battre ; / Jusqu'à ce que je meure”.
Dès lors, c'est cette version qu'il chantera lors de ses concerts, y compris ceux qu'il donnera pour les troupes républicaines lors de sa visite en Espagne en janvier 1938. Robeson qualifiera par la suite cette visite de « tournant majeur dans ma vie », mais sa révision des paroles d'une chanson déjà célèbre révèle que la Guerre Civile espagnole a eu un impact avant même qu'il ne mette les pieds dans le pays.