« Ils ont construit d'immenses villes grâce à leurs efforts. Aujourd'hui, ils n'ont personne pour s'occuper d'eux et n'ont nulle part où loger »

Au début du XXe siècle, la population espagnole a vécu un processus de modernisation que les pays voisins avaient expérimenté un siècle plus tôt. L'ancien régime démographique est définitivement abandonné, accompagné d'une augmentation de l'espérance de vie grâce à l'amélioration des conditions d'hygiène. La population a augmenté de manière significative, ce qui a épuisé les ressources économiques du pays à l'époque. 

La répartition inégale des terres dans une société essentiellement agraire a déclenché des flux migratoires. Les Espagnols du nord et de l'Atlantique émigrent principalement vers l’Amérique, avec l'Argentine, Cuba et l'Uruguay comme destinations principales. Dans la région du Levant, l'horizon était la Méditerranée, avec des pays comme l'Algérie comme destination préférée. Parallèlement à cette émigration vers l'étranger, l'autre conséquence de l'inégalité a été l'activation des mouvements ruraux-urbains, appelés par les grands travaux des nouvelles extensions, des métros et des tramways que les villes développaient à l'époque et auxquels l'image présentée ici fait référence. 

Alors qu’en 1900, 66 % de la population travaillait dans l'agriculture, en 1930, ce pourcentage était tombé a 45,5 %, ce qui témoigne de l'évolution structurelle de la population active. Bien que l'Espagne soit restée un pays éminemment rural, la transformation en seulement trente ans a été très importante. Le blocage des routes d'émigration vers l’étranger en raison de la crise de 1929 a encouragé encore plus ces mouvements internes, qui ont atteint des chiffres considérables. 

La crise des années 1930 a donc rompu cet équilibre délicat. Le nouveau régime républicain intervient alors que l’Europe connaît de graves difficultés économiques, avec une inflation galopante en Allemagne et un gel des flux de capitaux sur le continent. Bien qu’il ait été plus modéré en Espagne, le blocage du secteur bancaire a eu des retombées dans le secteur de la construction, où travaillait une grande partie de la population venue de la campagne. Ces personnes se sont retrouvées au chômage, et sont souvent retournées dans leur région d'origine, où les problèmes de propriété foncière n'étaient toujours pas résolus. Beaucoup d'autres sont restés dans les villes, et ont vu leurs problèmes de logement s'aggraver. Beaucoup se sont retrouvés sans abri, sans travail et condamnés à la pauvreté. Tout cela a alimenté un terreau de difficultés qui a contribué à cimenter les troubles sociaux.

FMP