Les craintes du Frente popular francès
Source:
Caricatures: dessins et coupures de presse, 1936-1938,” Archives nationales, France (Fonds Vincent Auriol, 552 AP 22, 2AU15–Dr1)
Date Created: 1936-08-08
Extent: 1 item
48.85889, 2.32004
Cette image illustre les profondes divisions qui régnaient dans la France de 1936, auxquelles la guerre d’Espagne a grandement contribué. Aux écoutes de la finance était le supplément financier d’Aux écoutes, un hebdomadaire de droite. En caricaturant le nouveau premier ministre, Léon Blum, et son ministre des Finances Vincent Auriol, la couverture du 8 août 1936 a clairement pour intention d’assimiler le Front populaire français au Frente Popular. Déguisés en stéréotypes d’Espagnols, ils sont en quête de fonds mais se heurtent à l’opposition de la Banque de France. Aussi, le titre désigne le Front populaire par la version espagnole de son nom – Frente Popular francès. Blum et Auriol expriment aussi leurs craintes que Franco ne gagne la guerre.
Le déclenchement de la guerre d’Espagne a constitué un défi de taille pour le gouvernement français. Bien que la coalition de gauche du Front populaire – constituée de socialistes, de radicaux et de communistes – eût remporté des élections législatives marquées par de nombreuses tensions, elle faisait face à une opposition de droite puissante et favorisant les nationalistes espagnols. Blum, quant à lui, soutenait ses camarades du Frente Popular, mais craignait que cette prise de position n’exacerbât les divisions déjà aiguës en France. En outre, la politique de non-intervention du Royaume-Uni joua un rôle majeur dans ce refus de s’engager.
Le gouvernement était lui-même divisé à ce sujet. Alors que quelques collègues de Blum, dont Auriol, soutenaient les républicains, d’autres figures de marque s’opposaient résolument à toute implication. Initialement, Blum avait autorisé l’envoi d’armes en Espagne, mais son propre gouvernement abrogea bientôt cette décision, bloquant les livraisons et réclamant au contraire que les grandes puissantes adoptassent une politique de non-intervention. Ce changement de cap fut très douloureux pour Blum et ne contribua pas à apaiser l’opposition. Quoique le gouvernement continuât de soutenir les républicains clandestinement, la politique de non-intervention porta un coup décisif au Frente Popular, dans la mesure où l’Italie fasciste et l’Allemagne nazie offrirent une aide précieuse à Franco.
L’illustration fait aussi référence aux difficultés économiques auxquelles la France faisait face, ce qui contribuait à envenimer la situation politique. Le pays souffrait toujours des conséquences de la Grande Dépression et les tentatives du gouvernement pour améliorer les conditions de travail, renforcer les programmes sociaux et relancer l’industrie de l’armement se heurtèrent à la surévaluation du franc, qui restait convertible à l’étalon-or. Le gouvernement Blum finit par dévaluer la devise, mais l’économie ne s’en porta pas mieux pour autant. Avec la fuite des capitaux, Blum demanda à gouverner par décrets en matière de finances mais rencontra l’opposition du Sénat, ce qui provoqua sa démission en juin 1937.
Quand il revint à la tête du gouvernement de Front Populaire en mars 1938, Blum adopta une politique plus proactive en soutien au républicains espagnols, mais son cabinet ne dura pas et ne put offrir qu’une aide minimale.
SK